« En comparution immédiate, toute l’humanité ordinaire, le petit peuple des récidivistes est là, sans personne pour s’y intéresser vraiment. » Justice
De la Justice et de son système, on sait finalement peu de choses quand on ne la vit pas. Hormis des reportages à la télévision, des témoignages de grands procès ou de grandes plaidoiries, le quotidien d’un substitut du procureur n’est pas forcément une évidence pour tous. Justice, de Samantha Markovic, mis en scène par Salomé Lelouch, entend lever le voile sur cette vie de tous les jours. Avec force et sincérité.
Oppressante justice du quotidien
La pièce s’ouvre sur une scène particulièrement forte. Trois victimes (Camille Cottin, Camille Chamoux, Naidra Ayadi) d’une agression un soir à Paris témoignent de la violence qu’il faut surmonter. De la part de l’agresseur, de la police, mais aussi de la justice avec ses montagnes de procédures. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que toute la scénographie est démesurée. Les dossiers sont beaucoup trop gros, ils écrasent victimes, avocats et procureurs. C’est toute la complexité d’un système qui est interrogé ici, un système présenté comme inhumain qu’importe le côté du bureau où se trouve la personne qui parle.
Il n’y a pas d’histoire dans Justice. Successions de scènes avec un début et parfois pas de fin, on est bien là au cœur d’une critique du système judiciaire. Il n’y a pas d’histoire car la justice ne s’embarrasse par des histoires personnelles ou de contexte. Reprocher un manque de narration à cette pièce, c’est fermer les yeux sur le sens même que l’on a voulu donner à la mise en scène et au texte. Donner du temps à l’histoire, c’est donner du temps à l’humain, ce dont manque cruellement le système.
On pourra regretter une fin un peu facile, disons bien-pensante. Mais Justice est finalement une pièce qui s’engage, portée par une très belle scénographie et un trio d’actrices émouvantes, sachant passer de la robe à la camisole avec brio. Il se dégage une grande énergie et une vraie envie non-manichéenne de présenter un système qui broie autant ses victimes que ses serviteurs. On pensera bien entendu à Délits Flagrants de Raymond Depardon, dont certaines scènes sont des transcriptions au mot près. La théâtralité dans le réel a encore de beaux jours devant elle. Une réussite!
Avis : ★★★
Justice, Théâtre de l’Oeuvre
Du 10 janvier au 31 mars 2018, comédiennes en alternance
Mes autres critiques
- Avis ★★★
- Plaidoiries, avec Richard Berry
2 Comments
[…] Justice, au théâtre de l’Oeuvre […]
21/10/2018 at 18:46[…] Justice de Salomé Lelouch et les Plaidories de Richard Berry, c’est au tour d’Eric […]
25/01/2019 at 13:51